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Des questions sur le métier de CPIP ?

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Bonjour à tous. Me revoici enfin pour réveiller ce blog amorphe qu'est le mien. Trop de temps s'est écoulé sans que je ne le nourrisse. C'est ainsi et je m'en excuse auprès des gourmands qui attendraient beaucoup de ma part.

J'avais dans l'idée de commettre un article sur le métier de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP), trop méconnu à mon goût. J'aurais pu ainsi vous commenter la circulaire du 19 mars 2008 relative aux missions et aux méthodes d'intervention des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) mais cela aurait été à mon sens soporifique. En fait, j'ai eu peur que vous ne vous évadiez en cours de lecture. Aussi, j'ai fait appel à mes charmants followers de Twitter afin de recueillir leurs interrogations quant à cette profession souvent sujette à fantasmes et à de nombreuses représentations erronnées. Je ne ferai état que de mont point de vue qui n'engage que moi, et certainement pas tous les CPIP de France et de Navarre, ni la direction de l'administration pénitentiaire, ni le Ministère de la Justice, ni mon chien, ni mes voisins etc...

C'est parti ! A chaque fois, je mentionnerai le pseudo du twitto m'ayant posé la question. Je ne suis pas en garde à vue, aussi je ne solliciterai pas la présence d'un avocat.

De @simoneduchmole : Comment faites-vous pour gagner la confiance des détenus ?

- En leur donnant tout ce qu'ils veulent ! C'est évident, nous les CPIP, nous ne sommes que les serviteurs des honorables détenus et nous ferions tout, mais absolument tout pour les faire sortir de prison. Euh... Mwarf ! Pardonnez-moi, c'est le traumatisme d'une idéologie bien ancrée chez certaines personnes qui nous perçoivent comme des pro-voyous qui ne pensent pas aux malheureuses victimes. En fait, la confiance s'instaure avec le temps, le respect de la parole donnée (quand on dit qu'on fait telle démarche, on fait), la cohérence et l'honnêteté. Même en cas d'avis défavorable sur une demande de permission ou sur un aménagement de peine, il faut savoir l'assumer en face de la personne et l'expliquer, même si ce n'est pas toujours accepté et parfois refusé avec véhémence. Un bémol toutefois, je ne sais pas si l'on peut parler vraiment de confiance car à mon sens, la relation peut être biaisée par le fait que l'on soit sous mandat judiciaire, autrement dit, en quelque sorte, la voix du juge de l'application des peines (JAP).


De @mussipont : Cela gagne combien une cipette ? (c'est le nom affectueux donné aux CPIP féminins). Comment éviter pour chaque dossier de tomber, soit dans l'angélisme, soit dans le cynisme ?

- Au moins tout ça si tu savais ! Sinon, pour répondre à la deuxième question, si l'angélisme, c'est de s'intéresser au parcours de vie d'une personne afin de chercher à comprendre sa personnalité, ses ressources et faiblesses, son passages à l'acte, alors que je crois que je suis un monstre d'angélisme. N'est-ce pas ce dont on est taxé lorsque l'on cherche à comprendre ? D'angélisme ? Une personne peut à la fois m'attendrir, comme me révulser, ou me désespérer. J'essaie de trouver un équilibre et surtout de ne pas m'occulter la vue, parfois des défauts cachent des points forts ou l'inverse. En revanche, pour certaines personnes, si j'essaie d'être optimiste, je reste réaliste et suis consciente que malheureusement, elles reviendront en prison... La prévention de la récidive commence certes en prison, mais continue aussi surtout à l'extérieur, et en l'état actuel des choses, les moyens mis en oeuvre ne sont pas suffisants. Et puis, il faudrait aussi changer le regard de la société sur les sortants de prison, moins de stigmatisation, plus d'inclusion sociale, mais ça, c'est un vaste débat.


De @eurypontide : Quelle est la part de probation et d'accompagnement ? A partir de quand signales-tu un manquement aux obligations ? Quelle tolérance ? 

- Dans un premier temps, je pense qu'il est utile de distinguer le milieu ouvert du milieu fermé. Pour les béotiens, le milieu ouvert concerne les antennes SPIP qui sont en charge du suivi des personnes condamnées non-incarcérées, soit parce qu'elles sont sous le coup de mesures alternatives à l'emprisonnement, soit en aménagement de peine. Le milieu fermé, vous l'aurez compris, compris les établissements pénitentiaires. Cette distinction est importante à mes yeux puisqu'elle impacte la pratique du métier à mon sens. En effet, je considère que le milieu ouvert offre la part belle à ce qu'on appelle probation, ou plus simplement au contrôle du respect des obligations, peut-être moins par volonté du personnel que de contraintes inhérentes à la charge de travail (120 à 190 dossiers par CPIP selon les antennes).  A contrario, en milieu fermé, le suivi est plus axé sur l'accompagnement socio-éducatif, dans l'optique de la préparation à la sortie ou d'un aménagement de peine, ce qui implique un travail plus étayé autour de la personne, en lien avec sa famille (ou pas, selon les cas...). Par ailleurs, il existe une différence notable : pour le milieu ouvert, le SPIP convoque les personnes au service, alors qu'en milieu fermé, ce sont bien souvent les détenus qui nous sollicitent. Cela impacte par ricochet la perception qu'ont les personnes suivies du SPIP, selon qu'elles soient incarcérées ou non.

Je vais ainsi pouvoir répondre à ta deuxième et troisième question. Ne travaillant pas en milieu ouvert, je n'ai pas à signaler de manquement aux obligations puisqu'il n'y en a pas, enfin, pas d'obligations formellement écrites. En revanche, dès qu'il s'agit de faire des demandes de permissions de sortir ou des requêtes en aménagement de peine, c'est à cet instant qu'elles se dessinent, le JAP se basant sur certains critères pour les octroyer (réflexion sur le passage à l'acte, versements aux parties civiles, activités en détention, prise en charge médicale...). Ainsi, quelqu'un ne sollicitant jamais rien peut très bien purger toute sa peine sans rien mettre en place et ce, sans que jamais on ne puisse lui opposer quoique ce soit. Ce n'est que si, à l'issue de son incarcération, il fait l'objet d'une mise à l'épreuve que les obligations auront cours.


De @oreliya90 : Que penser des formations initiales de CPIP ? De moins en moins de travailleurs sociaux, de plus en plus de juristes pour le même métier.

- Je ne pense pas, je suis fonctionnaire, je vous le rappelle. Il est vrai que les anciens CPIP perçoivent ce changement de recrutement intrinsèquement lié à la nouvelle orientation donnée au métier axé essentiellement sur la prévention de la récidive, l'évaluation des personnes condamnées et le risque de récidive. Pour ma part, je dirais qu'il existe autant de manières de travailler que de CPIP, tout dépend des valeurs qui animent le professionnel qui exerce. Rassurez-vous, certains restent toujours attachés au fait de se défnnir comme travailleurs sociaux.


De @attache_link : Au regard des missions, du manque de moyens (matériels, humains, etc), combien d'années penses-tu faire ?

- Oh que c'est cruel comme question ! Je n'en sais fichtre rien, je ne me pose pas cette question. Je fais ce qu'il me plaît, je verrai avec le temps.


De @catheb_ : A quelles informations relatives au détenu les CPIP ont accès ?

- toutes les pièces judiciaires concernant l'affaire pour laquelle il a été condamné, les expertises, la vie en détention (incidents disciplinaires, travail, formation, revenus, versements aux parties civiles, documents admnistratifs), et tout ce qu'il veut bien nous dire de lui.


De @_castille : Comment en vient-on au métier de CPIP ?

- En ce qui me concerne, la réponse est  . Pour les autres, c'est difficile de répondre à leur place. J'ai pu me rendre compte que certains le devenaient par défaut, en cas d'échec à d'autres concours de la Justice par exemple (magistrat). D'autres encore le sont parce qu'ils ont la sensation de contribuer au service public de la Justice. Enfin, et j'ose espérer qu'il s'agit de la majorité, parce qu'ils ont la volonté d'accompagner des personnes en difficulté, de contribuer à semer des petites graines qui permettront à des personnes de grandir, de comprendre leurs erreurs et d'aspirer à une autre vie, en donnant du sens à la peine.


De @Mille_Ephelides : Quels sont tes interlocuteurs dans et en dehors de la prison ? Quelle autonomie dans la gestion des situations ? Te sens tu seule ?

- Les interlocuteurs du SPIP sont très nombreux, notre travail reposant essentiellement sur le partenariat. En voici une liste non-exhaustive : les surveillants pénitenitiaires, les gradés, la direction de l'établissement, les différents services de l'établissement (parloirs, le partenaire privé gestionnaire de l'emploi et de la formation, le responsable local de l'enseignement, la comptabilité...), les moniteurs de sport, le point d'accès aux droits, la coordinatrice culturelle, l'assistante sociale du SPIP, les diverses associations qui accueillent les détenus en aménagement de peine ou sortants de prison, Pôle Emploi, la Mission locale, les juges de l'application des peines, les avocats, le greffe pénitentiaire, les structures d'hébergement, les centres de semi-liberté.... Nous n'avons en revanche que peu de liens avec le service médical...

Pour répondre à la seconde partie de ta question, je dirais que le CPIP est particulièrement autonome dans son travail. Il s'engage dans ses suivis et y impulse ce qu'il pense être juste et cohérent. Il y a des échanges entre collègues pour savoir ce qu'ils en pensent mais ce n'est pas sous forme de réunions formelles, en tout cas, pas là où je suis affectée. Il est à noter tout de même que tous nos rapports sont validés par notre direction. Ce mode de fonctionnement fait que parfois, on peut avoir la sensation de se retrouver bien esseulé dans la prise en charge d'une personne, la prise de décision de telle ou telle orientation reposant sur nos seules petites épaules. Pour ma part, j'en suis encore préservée puisque "chapeautée" par un référent, du fait de mon statut de stagiaire.

 

De @Mon_Melon : Comment un juge peut-il contraindre à une obligation d'emploi ? Ou est-ce seulement une obligation à chercher un emploi ? 

- La première obligation énoncée dans l'article 132-45 du Code Pénal concerne en effet le travail. Elle rend obligatoire le fait d'exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement ou une formation professionnelle, toute personne qui y est soumis dans le cadre d'un sursis mise à l'épreuve, d'un aménagement de peine, d'un surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire. Si ce n'est pas spécifié, le fait de justifier de sa recherche d'emploi par des documents (boîtes d'intérim, Pôle Emploi, Mission locale, CV, lettres de motivation...) répond à cette obligation.

 

De @atelierdecirce : Combien de personnes suivies ? Comment le CPIP est-il perçu des personnes placées sous main de justice ? Description d'une journée type...

- Pour ma part, je ne suis pas un exemple puisque je suis en charge limitée, étant stagiaire. Dans mon service, un CPIP tourne à 80 dossiers environ, mais il s'agit d'un établissement pour peines. Si vous trouvez que c'est beaucoup, ça l'est, mais c'est encore pire ailleurs puisqu'en maison d'arrêt, cela peut monter jusqu'à 120, et en milieu ouvert jusqu'à 180. Les journées se partagent entre la rédaction des rapports, les synthèses sociales, les différentes démarches afférentes au suivi (contact avec les partenaires, les familles, prise de rendez-vous à l'extérieur, recherche de structures accueillantes...), les entretiens avec les personnes détenues, la participation aux commissions d'application des peines (CAP), la participation aux commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) qui statuent sur les demandes de travail ou de formation - l'affectation des arrivants en bâtiment - le parcours d'exécution de peine..., les réunions, les échanges informels avec les partenaires sur site (PAD, assistante sociale...).

 

De @_castille : Quelles sont les principales difficultés pour la réinsertion des personnes ?

- En tout premier lieu, encore faut-il que la personne le veuille et y soit prête. Il faut parfois du temps pour qu'un cheminement se fasse et chacun fait en fonction de ses propres ressources internes. Notre rôle est d'accompagner vers cela mais parfois on se retrouve bloqué face à un mur. Ce n'est pas grave, si ce n'est pas pour tout de suite, ce sera pour plus tard, voire même jamais pour certains, il faut l'accepter. D'un autre côté, il y a aussi les obstacles budgétaires qui rendent l'exercie difficile. En effet, notre travail dépend beaucoup d'associations qui dépendent elles-mêmes de subventions. Ainsi, j'ai le souvenir d'un gars pour qui le projet d'aménagement de peine est tombé à l'eau car la structure qui devait l'accueillir ne pouvait plus pour cause de restrictions budgétaires. Ce n'est pas évident à gérer, ni de relancer la personne dans une autre dynamique. En plus de cela, j'ajouterai une autre difficulté qui est plus idéologique. Il faut savoir que notre société préférerait voir les ex-détenus loin d'elle plutôt que près d'elle, un peu du genre : "Réinsérez-vous mais loin de nous!". Et c'est une vraie difficulté car aujourd'hui, être sortant de prison, c'est comme porter un boulet, une étiquette que beaucoup de gens pointent du doigt. L'emprisonnement, c'est être écarté de la société un temps, pour ensuite la réintégrer. Est-il besoin de renvoyer une personne à ce qu'elle a pu faire, dès lors où elle est de nouveau admise en notre sein ? Je pose la question en espérant qu'elle fasse réfléchir. De même, lorsque des affaires médiatiques retentissent, cela se ressent sur l'application des peines et l'octroi ou non de mesure d'aménagement. La psychose de la récidive est une hantise ! Sauf qu'à l'intérieur desprisons, il y a des humains, qui, à force de ne plus percevoir d'espoir, nourrissent leur haine.


J'espère avoir satisfait votre curiosité et je vous remercie de vous être prêté au jeu de ces questions/réponses qui en appellent certainement d'autres. N'hésitez pas à me faire signe si tel est le cas.

"La prison n'est qu'un espace muré qui cache les éches de la société" - Anthony Dacheville

 


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